Soa de Muse : une Martiniquaise dans le premier drag show télévisé français

Soa de Muse, participante au Drag Race France.
Dix drag queens s'affrontent dans Drag Race France, un show lancé par France Télévisions le 25 juin. Parmi elles, une artiste d'origine martiniquaise qui se produit dans son propre cabaret queer à Paris. Outre-mer La 1ère l'a rencontrée.

Elle est grande, mince et marche d'un pas assuré dans ses chaussures à talons. Coiffée d'une perruque, elle débarque sur le plateau, avec ses airs de diva cordiale, avant de crier "Coun** mamanw !", une injure en créole, "clin d'œil" à ses origines antillaises. Soa de Muse fait une entrée remarquée dans Drag Race France, l'adaptation tricolore du fameux show télévisé américain Ru Paul's Drag Race. Le principe : dix drag queens s'affrontent lors d'épreuves artistiques (danse, chant, mode, humour...). À la fin, une seule d'entre elles sera couronnée reine.


Née il y a trente-trois ans en banlieue, Soa de Muse aime souligner qu'elle n'est pas parisienne. Ses origines, ce sont la Martinique et la Seine-Saint-Denis. Point. "Une fierté" qu'elle revendique à l'écran.

"Il" ou "elle", peu importe

À 15 ans, elle débarque en Martinique d'où sont originaires ses parents. "J'ai suivi le pater [son père] qui voulait retrouver ses racines, comme il dit", se moque-t-elle gentiment. Mais là-bas, son côté gothique la rend différente des autres jeunes ados. Elle sent bien qu'elle sort du lot. D'autant qu'elle ne s'identifie pas vraiment comme garçon. Ni comme fille d'ailleurs.

La Martinique, ça m'a forgée. Ça n'a pas toujours été facile, parce que quand tu n'es pas comme les autres garçons et que tu ne te définis peut-être pas comme tel, ou ni comme fille d'ailleurs, ça peut être compliqué.

Soa de Muse

En Martinique, elle explore son identité et sa sexualité. "Il" ou "elle", peu importe, esquisse Soa. "Je suis universelle", lance-t-elle.

Samedi 25 juin, jour de la Marche des fiertés à Paris et dans plusieurs villes françaises, on la découvre pour la première fois sur France Télévisions. L'audiovisuel public français, fier de mettre en avant la communauté LGBT à l'occasion du mois des fiertés, a diffusé le premier épisode de la toute première saison de Drag Race France sur sa plateforme numérique France TV Slash ainsi qu'à 23h30 sur France 2. "France TV Slash reflète avec talent, ouverture et créativité ce qu’est la société d’aujourd’hui et les interrogations des publics, plus particulièrement des jeunes adultes", avance Alexandra Redde-Amiel, directrice de l'unité des jeux, variétés et divertissements de France Télévisions.

Ravie de participer à cette première saison française, Soa ne mâche néanmoins pas ses mots contre l'invisibilisation des minorités sur les écrans. L'injure en créole qu'a hurlé Soa en début d'épisode était aussi destinée à la télévision française, "qui invisibilise beaucoup la communauté antillaise" par exemple, dénonce-t-elle.

Les Jeux olympiques du drag

En ce début de saison, Soa s'est illustrée grâce à une interprétation de Hyacinthe, chanson de Thomas Fersen, qui lui a valu de terminer en tête du premier classement. "Je n'ai pas peur du ridicule. Je n'ai pas peur de la mise en danger artistique", balaye-t-elle d'un revers de main. Elle rappelle toute la complexité de cet art - le drag - qui s'apparente à du sport de haut niveau. " [Cette compétition], c'est un peu des Jeux olympiques." Ça danse, ça chante, ça se maquille, ça se déhanche.

Soa de Muse.


Soa a découvert le théâtre en Martinique. À son retour dans l'Hexagone, alors qu'elle n'a que 20 ans, elle commence des études de lettres, qu'elle ne finit pas. Puis tente une licence d'études théâtrales. "Je me suis rendu compte qu'il ne fallait pas que je sois assise, à écouter quelqu'un qui parle (...) Il me fallait faire de la scène".

C'est un homme rencontré en Martinique qui la pousse à entrer dans le monde du burlesque, genre de spectacle mettant en scène un strip-tease érotique. Sao de Muse enchaîne les représentations et les prestations chez Madame Arthur, un fameux lieu de spectacle de travestis. Puis, avec trois amis artistes, elle se décide à ouvrir son propre cabaret, La Bouche, dans le 18ᵉ arrondissement de Paris. "Je suis juste une artiste qui essaie d'explorer une matière artistique et de me l'approprier", résume-t-elle.

Drag Race France n'est qu'une étape du chemin de Soa de Muse dans l'univers du travestissement et de l'extravagance propre aux drag queens. En attendant de savoir si elle a remporté le concours - réponse au mois d'août sur France TV Slash - cette drag de caractère aimerait partir en tournée avec son cabaret. Avec une étape, espère-t-elle, dans son île d'origine, la Martinique.