Hans Zimmer : "Je ne suis pas une rock star"
- Publié le 15-05-2017 à 17h09
- Mis à jour le 09-03-2018 à 13h29
Entretien. Le nom d’Hans Zimmer figure au générique de dizaines de films. D’"Histoire d’O" en 1984 à la mini-série "Sons of Liberty" récemment, il a mis en musique un nombre incalculable de long-métrages marquants pour le grand public : "Rain Man", "Le Roi Lion", "Gladiator", "Pirates des Caraïbes", "Madagascar", "Inception", etc. Rien pourtant ne destinait a priori ce natif de Francfort - naturalisé américain depuis - à une telle carrière musicale. Ses études de piano à l’âge de trois ans ont été plus qu’éphémères… deux petites semaines seulement. Et c’est en autodidacte et sans le solfège qu’il s’est lancé dans la musique quelques années plus tard. Electronique pour commencer, puis pour le cinéma.
Avec un Oscar, deux Golden Globes et quatre Grammy Awards, il fait partie du prestigieux club des géants de la bande originale dans lequel on retrouve John Williams ("Star Wars", "Les dents de la mer", "La liste de Schindler"), John Barry (près de la moitié des "James Bond", "Out of Africa") ou encore Ennio Morricone. Mais Hans Zimmer n’est pas uniquement un rat de studio. Depuis peu, il a décidé de la jouer sans filet en se lançant dans des séries de concerts. L’an dernier, sa tournée, qui est passée par le Palais 12 de Bruxelles, affichait complet. Il remet ça le 20 juin au Sportpaleis d’Anvers, mais toujours avec la peur au ventre.
C’était un rêve de jouer vos musiques sur scène ?
Pas du tout, j’ai toujours eu une peur bleue de ça. J’ai la trouille que personne ne vienne ou que la musique ne soit pas bien jouée, etc. La scène m’effraie mais tous mes amis musiciens m’ont dit que je devais le faire.
La première fois que vous vous êtes produit sur scène avec un orchestre, c’était à Gand, en 2000. C’était un "one shot" dans le cadre d’un festival. Quel souvenir en avez-vous gardé ?
Je me souviens de la paranoïa que s’était emparée de moi. J’avais peur que tout parte en vrille. Mais le public gantois a été adorable. Après Gand, j’ai mis beaucoup de temps avant de remonter sur scène parce que j’avais besoin de comprendre par moi-même comment les choses fonctionnent. Or, je ne le comprenais pas à l’époque. Aujourd’hui, je connais les gens avec qui je joue et j’ai plus de musique à interpréter parce que j’en ai écrit beaucoup depuis l’an 2000.
Vous voici désormais en tournée. Vous avez attrapé le virus des rock stars ?
Non, je ne me prends pas pour une rock star. Si je pars en tournée, c’est pour ne plus me cacher derrière un écran mais pour voir le public les yeux dans les yeux et jouer de la musique live. C’est très différent du studio où je compose.
A la fin des années 70, vous avez pourtant joué dans des groupes, non ?
Krakatos était un groupe pop avec lequel on allait jouer dans des clubs. C’est à cette époque-là que j’ai compris que je n’aimais pas être sur scène. Avec The Buggles (à qui on doit le tube "Video Killed The Radio Star" dans le clip duquel Hans Zimmer apparaît, NdlR) , c’était tout le contraire puisque le principe était de ne jamais aller sur scène en faisant de la musique exclusivement en studio. Ce n’était pas mon groupe mais celui de Geoff Downes et Trevor Horn. Cette expérience m’a aidé à apprendre à travailler avec d’autres musiciens.
Des regrets de ne pas avoir poursuivi ces aventures-là ?
Comment pourrais-je avoir le moindre regret ? Les groupes doivent en permanence rester en phase avec le genre de musique qu’ils font. Moi, j’ai pu toucher à une variété immense de genres grâce à la variété des films sur lesquels j’ai travaillé. Notamment ceux de Riddley Scott : "La chute du faucon noir", "Hannibal", etc. C’est fascinant et intéressant de pouvoir faire tout cela. On apprend tous les jours et ça évite la routine, l’ennui.
Etes-vous souvent sollicité pour participer à des projets pop ou rock ?
Je suis malheureusement toujours en plein travail quand on me sollicite. Je devais faire un disque avec Johnny Marr, le guitariste de The Smiths, mais il avance plus vite que moi. Un album complet avec Dave Steward d’Eurythmics et Pharell Williams attend depuis cinq ans sur mon étagère, mais nous ne trouvons pas le temps de le finir.
Un bourreau de travail aux méthodes originales
Avec plus de 200 bandes originales au compteur, que ce soit pour le cinéma, la télévision, les jeux vidéo, en tant que musicien, compositeur ou producteur, Hans Zimmer n’a pas chômé depuis ses débuts dans le milieu dans les années 80. Cette productivité exceptionnelle, c’est bien sûr le fruit de son talent. Mais aussi d’efforts acharnés. Le compositeur ne le cache pas : composer, c’est avant tout une question de travail. "La page blanche, c’est mon ennemi et j’y suis confronté tous les jours, dit-il. Composer, ce n’est pas qu’un problème d’inspiration, il faut aussi s’asseoir en studio et travailler. C’est de la sueur ! Quand quelqu’un me contacte et dit ‘j’ai une super idée, ça va être amusant à faire’, la première chose que je fais, c’est de remplacer le mot ‘amusant’ par ‘travail’." Pas que quoi toutefois faire peur au musicien qui reconnaît volontiers avoir le meilleur boulot du monde.
Inception
Contrairement à l’idée que l’on pourrait se faire, Hans Zimmer ne compose pas ses musiques sur la base des images tournées pour les films, ni même après avoir lu le scénario. "Dans la mesure du possible, j’essaye de ne pas les lire. Je préfère que le réalisateur me raconte l’histoire qu’il va tourner et ainsi juger de ce qui est important à ses yeux. Il me décrit les scènes, les décors, etc. C’est alors que des idées de sonorités me viennent. Je cherche aussi, dans le film, un élément auquel je suis sensible et je m’y accroche pour composer. Cet élément n’est pas nécessairement quelque chose qui apparaît à l’écran. Et je ne travaille jamais sur la base du film monté." Une technique qui conduit parfois à des surprises. "Sur ‘Inception’, j’avais beaucoup de difficultés à imaginer la musique sans voir les images. J’ai demandé à Christopher Nolan de me les envoyer, mais il a répondu ‘pas question’. En retour, je lui ai fait parvenir les thèmes sans préciser à quelles scènes ils correspondaient. Et Christopher les a tous placés aux endroits pour lesquels je les avais imaginés. On avait si bien communiqué entre nous que ça tombait sous le sens."
Autre caractéristique affichée par le compositeur : sa volonté de voir de nouvelles têtes rejoindre la famille des auteurs de B.O : "J’ai toujours pensé qu’il était important de donner une chance aux talents prometteurs et de les aider. Quand je suis arrivé à Los Angeles, il n’y avait que peu de compositeurs qui travaillaient pour le cinéma, c’était un club très fermé. Il fallait l’ouvrir parce que c’est excitant de voir des gens comme Johnny Greenwood de Radiohead ou l’Islandais Johan Johansson se mettre à composer pour le cinéma. Ce qu’ils font est très différent de ce que je fais. Ça rend les choses intéressantes."
L’homme aux 200 bandes originales
A près de 60 ans, Hans Zimmer a composé plus de 200 bandes originales de films, séries et documentaires. De quoi créer des partenariats privilégiés avec certains réalisateurs.
Ridley et Tony Scott Hans Zimmer a déjà composé pas moins de onze bandes originales pour les deux frères réalisateurs britanniques. Et non des moindres : "Thelma et Louise" et "Gladiator" pour Ridley, "True Romance" et "USS Alabama" pour Tony.
Micheal Bay Les blockbusters à grand spectacle de Bay collent bien à la musique grandiloquente de Zimmer qui s’est entre autres chargé de "The Rock", "Armaggedon" et" Pearl Harbor".
Christopher Nolan L’homme des années 2000 pour Hans Zimmer qui a composé certaines de ses plus belles œuvres pour la trilogie des "Batman", "Inception" et "Interstellar".