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«Il se passait toujours quelque chose d'important quand j'étais à la tête du JT»: les souvenirs de Jean-Claude Narcy, un joker pas comme les autres

Jean-Claude Narcy, plus qu’un joker : l’alter ego de Roger Gicquel et Patrick Poivre d’Arvor.
Jean-Claude Narcy, plus qu’un joker : l’alter ego de Roger Gicquel et Patrick Poivre d’Arvor. AGIP / Bridgeman Images

PROFESSION JOKER (5/7) - D’Alger à TF1, en passant par l’ORTF, Jean-Claude Narcy s’est essayé, avec élégance et rigueur, à tous les styles de JT - plus de 7000 au compteur. Titulaire avec Roger Gicquel, puis joker de PPDA, le journaliste reste une figure populaire.

La scène se déroule à TF1 en début d’année 1996. La conférence de rédaction du 20 Heures débute. Ou plutôt le poker menteur. Jean-Claude Narcy, remplaçant officiel de Patrick Poivre d’Arvor la mène. Il a été désigné par Patrick Le Lay et Étienne Mougeotte pour assurer l’intérim de la vedette, écartée après l’affaire Pierre Botton où il est mis en cause (il sera condamné à 15 mois de prison avec sursis pour recel d'abus de biens sociaux). Dans la salle de conférence, une centaine de personnes affluent et une voix s’élève dans le brouhaha : «Est-ce que je peux prendre la parole ?» C’est Patrick Poivre d’Arvor qui s’exprime*. «C’est dégueulasse de condamner quelqu’un avant même la décision de justice», explique-t-il sous les applaudissements de la réaction. Narcy est spectateur de l’intervention de son ami. Un ami qui, acculé par la pression médiatique, s’inquiète, s’agace, accuse. Retrouvera-t-il son fauteuil une fois la sanction passée ? Il prend à partie son remplaçant. «Je te garde ta place et dès que tu reviens, tu la reprends, je n’ai pas d’ambition secrète, tu le sais...», se justifie Narcy. PPDA ne répond pas et s’en va. La carte maîtresse de TF1 est sur la touche. Sans conséquence.

«On l’oublie souvent, mais quand on joue aux cartes, c’est le joker qui fait gagner», explique aujourd’hui le journaliste. Narcy, c’est 7000 journaux télévisés au compteur, - il est même dans le Livre des records -, une voix chaude et une élégance à toute épreuve. Joker de PPDA pendant une dizaine d’années, Jean-Claude Narcy fut d’abord un titulaire tout terrain : à Alger, à France inter, à l’ORTF et à TF1. 13 Heures, 20 Heures, 23 Heures... toujours à la tête d’un journal. «J’étais militaire, j’aime être cadré. C’est un exercice strict le JT. J’aime bien cela. Jean-Marie Cavada disait : “Tu écris carré et parles rond”. Cela me correspond bien.» L’un de ses premiers JT en Algérie est un calvaire : «Je voyais mes techniciens écroulés de rire. Je ne comprenais pas. En fait, l’OAS avait détourné les réseaux et ils avaient mis le disque “Tu parles trop” de Richard Anthony. On voyait mon visage, mais c’était une chanson qui passait.»

Jean-Claude Narcy à New York en 1986. Philippe Le Tellier / Bridgeman Images

Narcy participe ensuite à toutes les innovations : il présente le JT en duo avec Françoise Kramer. «Cela ne fonctionnait pas. Il y avait un équilibre du temps de parole à la ligne près. Ce n’était pas naturel.» Puis l’alternance avec Roger Gicquel, le premier pape du 20 Heures. «Nous étions très liés. On travaillait le journal, on se relisait nos papiers, et on sortait le soir. Il avait un tel talent», se souvient le journaliste de 86 ans.

Symbole de la puissance

On ne peut pas faire plus différent que Gicquel et Narcy. Le premier personnalise à l’extrême son journal et se fait éditorialiste («La France a peur» en ouverture du JT pour évoquer l’assassinat de Philippe Bertrand par Patrick Henry). Le second se cantonne aux faits. Roger ne sourit jamais. Jean-Claude a l’œil malicieux. Gicquel est une star. Narcy fuit le star-system. Le duo fonctionne le temps d’un quinquennat (1975-1980). Lassé du journal, Roger Gicquel s’en va, mais le poste ne revient pas à Narcy - Jean-Marie Lefebvre s’installe. «Cela ne m’a pas manqué», juge celui qui animera plusieurs émissions dont une matinale sur TF1 privatisée intitulée... «Bonjour la France». Les années 1990 marquent son retour comme présentateur de journal lorsque le couple PDDA-Claire Chazal est en vacances. Mais la chance sourit toujours au Tourangeau.

«J’ai eu une petite réputation. Il se passait toujours quelque chose d’important lorsque j’étais à la tête du JT», souligne-t-il. Le déclenchement de la Guerre du Golfe ? Pour lui. La mort de François Mitterrand et l’hommage national rendu à l’ancien président de la République en présence des deux familles ? Encore lui. Le crash du Concorde en 2000 ? Toujours lui. Les audiences suivent. Avec Pernaut, Chazal et PPDA, il participe à la puissance du JT de TF1 qui réunit chaque soir près de dix millions de téléspectateurs. «En 2002, Alain Delon était le héros d’une série télé de TF1 (Fabio Montale, NDLR). Je lui ai demandé de venir au 20 Heures. Il m’a dit que cela ne servait à rien. J’ai réussi à le convaincre de venir. Nous avons fait 10 millions de téléspectateurs et les gens n’ont pas zappé jusqu’à la série. La courbe n’a pas bougé d’un iota. Delon m’a appelé pour me remercier.»

«Patrick moi d’abord» et Jean-Claude «l’anti-narcisse»

Les Français aiment cette figure populaire mais pas tape à l’œil, calme mais pas ennuyeux, simple mais pas simpliste. Face à Patrick moi d’abord, il est l’anti-narcisse. Il est le visage des vacances, des fêtes de fin d’année, de l’été. L’homme à l’éternelle pochette quitte le 20 Heures en 2002 pour se consacrer aux éditions spéciales qu’il a révolutionnées avec Charles Villeneuve, notamment les cérémonies du 14-Juillet.

Jean-Claude Narcy et PPDA en 1981. © Giovanni Coruzzi / Bridgeman Images

Aujourd’hui encore, Jean-Claude Narcy demeure la mascotte de TF1, le symbole des années fastes, le dernier élément du casting de rêve (auquel il faut ajouter les présentateurs météo, partenaires privilégiés des présentateurs) et le souvenir d’une information starisée. «J’admire mes confrères actuels, tranche Jean-Claude Narcy. Avec Anne-Claire (Coudray), Marie-Sophie (Lacarrau) ou Gilles (Bouleau), on partage la même curiosité et nous doutons beaucoup. Un journaliste qui ne doute pas est un mauvais journaliste. C’est beaucoup plus difficile qu’à notre époque.»

Vingt-deux ans après son dernier journal, Jean-Claude Narcy garde une aura et ce lien inaltérable qui existe un présentateur et les Français. «Ce qui m’amuse, c’est que les gens me reconnaissent sans me voir. À la voix.» Au poker comme à la télé, on se souvient toujours des jokers gagnants.

*«Une vie en direct», de Jean-Claude Narcy, éd. JC Lattès

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1 commentaire
  • Hugues de Payns

    le

    Épouvantable prétentieux narcissique.

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